Une séance de thérapie sur un banc public à Harare, le 4 novembre 2022. JEKESAI NJIKIZANA / AFP
Shery Ziwakayi, 70 ans, parle d’une voix douce. Son sourire est rassurant. Installée dans un jardin, c’est l’une des « grands-mères » du Zimbabwe qui offrent des séances de thérapie sur les bancs publics du pays, dont le principe gagnera bientôt le Mondial de football au Qatar.
Dans ce pays pauvre d’Afrique australe, le marasme économique des vingt dernières années a multiplié les cas de dépression et de troubles mentaux. Mais avec un système de santé exsangue et une grande majorité de gens qui n’ont souvent pas de quoi acheter à manger ou de l’électricité, payer une séance chez un psy serait insensé.
Un psychiatre zimbabwéen, Dixon Chibanda, a eu l’idée d’offrir des séances gratuites en formant des femmes âgées, appelées affectueusement dans la région « mbuya » ou « gogo », aux rudiments de la psychologie comportementale. Les bancs sont des espaces « pour partager des histoires et en racontant ces histoires, chacun de nous peut guérir », explique le médecin à l’AFP.
Shery Ziwakayi s’assoit sur ces « bancs de l’amitié » depuis six ans et reçoit en moyenne trois personnes par jour : des jeunes, certains souffrant de stress ou luttant contre une addiction. D’autres sont victimes de violence, traversent des difficultés financières ou sont au chômage. « Bienvenue, dit-elle, en serrant la main de son nouveau patient. Vous avez pris la bonne décision de venir voir mbuya. »
Quatorze psychiatres pour tout un pays
Sur une feuille blanche, elle a noté les questions de base : « Etes-vous effrayé par des choses peu importantes ? Vous sentez-vous épuisé ? Pensez-vous au suicide ? » « Après avoir parlé, beaucoup se trouvent rétablis et retournent à une vie normale », précise la grand-mère.
L’idée sera temporairement exportée au Qatar pendant la Coupe du monde de football qui s’ouvre le 22 novembre. Trente-deux bancs, autant que d’équipes en compétition, seront installés pour sensibiliser aux questions de santé mentale.
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Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui soutient ce remède de grand-mère, plus de 300 millions de personnes souffrent de dépression dans le monde. Le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué « un moyen simple mais fort de promouvoir la santé mentale », ajoutant que « le simple fait de s’asseoir pour parler peut faire une énorme différence ».
Au Zimbabwe, quelque 160 000 personnes sont venues s’asseoir sur un banc au cours des deux dernières années, avec un pic provoqué par la pandémie de Covid-19. Il existe aujourd’hui un millier de bancs à travers le pays, fréquentés par plus de 1 500 grands-mères. Au Zimbabwe, seuls 14 psychiatres sont aujourd’hui en exercice, 150 psychologues cliniciens et moins de 500 infirmiers psychiatriques pour une population de 16 millions, dont 70 % vivent sous le seuil de pauvreté.
« Sortir la santé mentale des hôpitaux »
L’histoire a commencé en 2006 avec 14 « gogo » dans le township de Mbare, le plus ancien et le plus pauvre du pays, situé dans la capitale Harare. L’idée a frappé Dixon Chibanda après le suicide d’une de ses patientes : « Elle n’avait pas les 15 dollars pour payer son billet de bus vers l’hôpital et suivre son traitement contre la dépression », raconte-t-il. Un déclic. Il réalise alors « qu’il fallait sortir la santé mentale des hôpitaux vers les communautés », ajoute-t-il, soulignant que six des dix pays avec les taux de suicide les plus élevés dans le monde se trouvent en Afrique.
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Choice Jiya, 43 ans, dit devoir sa vie à l’un de ces bancs, où elle a pris place un jour de grande détresse en 2005. Débordée par la naissance de jumeaux, quand son mari a perdu son travail, elle avoue avoir pensé « qu’il valait mieux mourir ». Elle gère aujourd’hui une petite entreprise de fabrication de parfums et de savons.
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